La culture sur brûlis : traditionnel et discutable ?

Mis à jour le lundi 29 avril 2024

L’abattis brûlis itinérant est une pratique pregnante en Guyane, bien que le mot « abattis » y désigne la parcelle cultivée, le « champ », il s’agit tout simplement d’un des modèles relevant de l’Agriculture Itinérante sur Brûlis. En 2010 les données de la Direction de l’Agriculture et de la Forêt (DAF) montrent que 87% des abattis se concentrent dans les huit communes du sud et y représentent 81% des terres agricoles, pour une surface de moins de 5 ha en moyenne.

Le principe de l’abattis est simple : À la fin de la saison sèche, le cultivateur met le feu à un terrain sec. L’incendie détruit en partie la biomasse (, mais épargne les arbres laissés debout. Les troncs restants freinent le ruissellement des eaux de pluie et les racines des souches limitent l’érosion de la couche d’humus en la retenant. Le feu détruit les insectes nuisibles et les graines des mauvaises herbes. Il enrichit le sol par des éléments nutritifs contenus dans les cendres. En début de saison des pluies, le paysan sème ou repique une dizaine de plantes : c’est la polyculture.

C’est un système agricole ancestral des Amérindiens vivant en forêt, ensuite adoptée par les communautés qui se sont ou ont été installées en Guyane française (Noirs Marrons, Créoles, Haïtiens, Brésiliens, etc.). Les différentes étapes du calendrier agricole suivent l’alternance climatique entre la saison sèche et la saison des pluies et reprennent le même rythme :

-surface restreinte : 0.5 à 1 ha

-multiplicité des variétés.

-Jachère au bout de deux ans.

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Ce modèle est intensément associé aux autres activités de subsistance (chasse, pêche, cueillette) et implique donc une connaissance fine du milieu et une bonne maitrise de son fonctionnement (nature du sol, nature du couvert végétal, possibilité de chasse, choix des espèces cultivées et des associations etc.) et de sa dynamique. L’abattis est à la base de l’équilibre alimentaire de ces sociétés.

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Selon les communautés, la durée de jachère est plus ou moins importante, ainsi que la diversité des cultivars. Le manioc reste cependant l’élément principal de l’abattis dans l’ensemble des communautés de Guyane. Notons en particulier que chez les Bushinengé, la culture est sensiblement différente du fait de l’exploitation de certaines plantes spécifiques (riz, arachide etc.).

L’agriculture itinérante sur brûlis, pratiquée depuis des millénaires en Amazonie et ailleurs dans le monde, a suscité de nombreuses interrogations quant à ses performances. Aujourd’hui encore, on lui reconnait les qualités suivantes :

Système autonome : apport de nutriments par le brûlis, préservation des parasites et des adventices du fait des choix des associations de plantes.

Régénération et renouvellement des écosystèmes dans les années suivant l’abandon de la parcelle et la reprise de la végétation.

Sécurité alimentaire : en particulier grâce à la forte productivité du manioc, sa bonne résistance au milieu naturel et les capacités de stockage naturel.

Cependant, on observe une forte diminution des temps de jachère à l’échelle de toute la Guyane, directement liée à la sédentarisation des populations. L’augmentation du temps d’exploitation d’une parcelle, passant d’une moyenne de 2 ans à 3 voire 4 ans, entraîne une augmentation de l’emprise spatiale des abattis et/ou une surexploitation des terroirs agricoles, liée à la surexploitation des ressources en gibier et/ou poisson. . Cette situation est engendrée par la croissance démographique et la sédentarisation des populations à des degrés divers selon les groupes culturels. On assiste donc progressivement à la fixation des parcelles d’abattis et donc à la suppression du caractère itinérant de cette pratique.

La principale conséquence est la dégradation des conditions agro-écologiques des parcelles. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes de gestion de la fertilité. La saturation progressive de l’espace agricole et la réduction des périodes de jachère vont de pair avec l’augmentation progressive de la surface des abattis.

Pour aller plus loin : 

site du parc amazonien de Guyane

site du museo parense Emilio Goeldi

site geoconfluences

livret pédagogique GRAINE Guyane

Patrick Blancodini, « La forêt guyanaise française : entre valorisation et protection », Géoconfluences, mars 2005.

Paralieu Nathalie (1991), Dynamique d’occupation et de mise en valeur agricole le long des axes routiers de la commune de Mana (Guyane), mémoire, université de Bordeaux III.

Moïse Tsayem Demaze et Sandrine Manusset, « L’agriculture itinérante sur brûlis en Guyane française : la fin des durabilités écologique et socioculturelle ? », Les Cahiers d’Outre-Mer : http://journals.openedition.org/com/3173 ; DOI : https://doi.org/10.4000/com.3173

Gely Anne. L’agriculture sur brûlis chez quelques communautés d’amérindiens et de noirs réfugiés de Guyane française. In : Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 31ᵉ année, bulletin n°1-2, Janvier-juin 1984. pp. 43-70. www.persee.fr/doc/jatba_0183-5173_1984_num_31_1_3912

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